Une heure plus tôt… du côté du complexe agricole…

Se tenant le flanc droit, grimaçant à chaque pas qu’il faisait, Reed Richards s’était hâté de marcher vers le camp des exilés après la disparition de Danto et la fuite de Sheelda. Il y avait eu un témoin. Il n’en était pas sûr mais il avait vu un homme s’éloigner du complexe. C’était obligé. Quoiqu’il en soit, Reed espérait arriver au camp sans que cela ne se sache pas. Il savait bien que les rumeurs et les ragots allaient bon train. Titubant quelque peu, Reed fit une halte avant d’aller retrouver Susan. Il avait besoin de soin pour une entaille quelque peu superficielle qu’il découvrit sur son bras. Il ne voulait pas aller à l’infirmerie. Reed voulait se faire le plus discret possible. Déjà, il avait abandonné la combinaison qui caractérisait tant les Quatre Fantastiques. De plus, il avait ôté sa fameuse blouse blanche avant de se rendre au complexe. Il était donc dans une tenue que l’on pourrait qualifier de civile. Une chemise et un jean. Reed savait rester simple. Il entra alors dans une sorte d’habitation à la Luke Skywalker dans La Guerre des Étoiles. Cela fit sourire Reed de savoir que l’ami qu’il venait voir, habitait ici. Il semblait s’être bien acclimater à la planète, plus que certains survivants.

- J’imagine que je ne dois pas poser de question sur l’origine de tes blessures, Reed…

- Moins tu en sais, mieux ce seras, Bruce.

Le docteur s’attela à soigner le scientifique et ne posa plus de questions. Il savait que Reed n’y répondrait pas dans tous les cas. Lorsque ce-dernier se remit en route vers le camp, il avait un bandage sur le bras et un autre pour maintenir ses côtes. Bruce en avait décelé une qui était cassée. Quant à sa jambe, c’était sûrement dû à l’utilisation de son pouvoir. Reed ne pouvait pas dire qu’il les maîtrisait à merveilles depuis qu’il est arrivé sur Sakaar. Il restait quand même maître de son corps mais avec le stress, les crises d’angoisse, la dépression et le reste, il lui rappelait de temps à autre qu’il n’allait pas bien. Arrivé au camp, il ne s’attarda pas à regarder les gens, voir si eux-mêmes le regardaient bizarrement ou non. Il se dirigea doucement mais sûrement vers les dortoirs où devait sûrement – il l’espérait en tout cas – Susan. Malheureusement, il n’y trouva pas sa femme. Quand il était stressé, Reed avait du mal à réfléchir et organiser ses pensées. Il mit bien quelques minutes avant de penser à la Future Foundation. On était en plein après-midi, Susan devait sûrement être dans son bureau. Il changea alors de cap, après s’être changé – sa chemise était déchirée au niveau de l’entaille et son pantalon était tâché – pour se diriger vers l’établissement qu’il avait créé avec sa femme, Amara, Desmond et Yuuka.

Parcourant les quelques couloirs, il se dépêcha de rejoindre le bureau de Susan. Il frappa puis entra, espérant qu’elle ne soit en rendez-vous avec personne. Ce n’était pas le cas, à la bonne heure. Sans un mot, se tenant le flanc, toujours, la douleur le lançant quelque peu, il s’installa sur le fauteuil devant son bureau et n’osa pas tout de suite la regarder. Il réfléchissait à la façon dont il allait lui parler du bordel qui venait de se passer au complexe agricole. Il se passa une main sur le visage puis dans les cheveux, tandis la main vers un verre et l’eau qui étaient posés là. Il s’en servit la moitié et but quelques gorgées avant de se laisser aller dans le fauteuil. Relevant la tête, il daigna enfin poser les yeux sur sa femme. Il osait à peine imaginer ce qu’elle allait penser, ce qu’elle allait dire, ce qu’elle allait lui reprocher. Si cela se trouve, elle était déjà au courant. Les rumeurs vont vite, le ou les témoins ont déjà pu tout raconter à droite à gauche. Il était difficile pour le scientifique de lire dans les yeux de Susan. C’est à ce moment qu’il se rendit compte qu’il était rentré à toute vitesse sans lui dire bonjour, sans lui faire un baiser, sans rien lui dire. Face à la culpabilité et au stress, Reed perdait tous ses moyens. Il rapprocha le fauteuil plus près du bureau, s’éclaircit la gorge après une nouvelle gorgée et se lança. Il devait le lui dire, ils devaient voir ensemble pour anticiper la suite de cette catastrophe qui, Reed en était sûr, aurait de lourdes conséquences sur le camp.

- Susan… chérie… Il faut qu’on parle… Il s’est passé un truc grave aujourd’hui.

La dernière phrase fut moins hésitante. Il fallait faire face et Reed ne devait pas retomber dans ce cercle vicieux dont il était sorti quelques mois plus tôt. Il fallait faire face à cette situation et mettre tout en œuvre pour que les conséquences à venir soient moindres. Le camp prenait une telle importance, évoluait plutôt bien, ce genre de problème pourrait tout détruire… encore une fois.

- Eh bien, que me vaut la visite de monsieur le dir- Reed !

Reed ne vit rien sur le coup mais sa femme usait de ses pouvoirs d’invisibilité. Se servant de l’eau, buvant une puis deux gorgées, il s’aperçut finalement que le bureau avait disparu, ainsi que sa chemise puis son pansement. La plaie était visible et il eut un mouvement de recul qui le fit mal. Il n’eut d’ailleurs pas le temps d’en placer une que Susan s’approcha, lui prit la main et l’asséna de questions. Elle voulait savoir ce qui lui était arrivé et elle voulait le savoir maintenant.

- Qu’est-ce qu’il t’es arrivé ? Un truc de grave ?

Reed grimaçait quelque peu de douleur tandis que Susan ne semblait pas pouvoir décrocher son regard de la blessure de son mari. Pourtant, elle n’était pas grave et Bruce avait fait du bon travail. Quoiqu’il en soit, l’heure était aux révélations et confidences. Il fallait absolument que le scientifique parle à sa femme de ce qu’il venait de se passer. Cela allait considérablement changer la vie aux camps. Les tensions de nouveau grandissantes entre Terriens et Sélénites étaient jusqu’alors contrôlables mais avec la mort de Danto, la disparition de Sheelda grâce à Tyrone et l’implication de mutants dans l’affaire ou au moins d’optimisés, cela allait prendre une tournure très mauvaise. Il releva alors le regard vers sa femme, tentant de capter son regard et put lui répondre quelques mots avant qu’elle ne pose de nouvelles questions.

- Me concernant, Bruce a dit que ce n’était pas très grave. Mais concernant ce qui vient de se passer, oui, on peut dire que c’est un « truc de grave ».

- Est-ce que cela a à voir avec les combats qui ont eu lieu dans le complexe agricole ?

- Oui...

Comme Susan devait s’en douter, Reed s’était précipité vers le complexe quelques heures plus tôt pour aller voir ce qu’il se passait. Lorsqu’elle lui demanda qui lui avait infligé cette blessure, il l’invita à s’asseoir et l’écouter. Il allait tout lui raconter depuis le début. C’était le seul moyen pour qu’elle comprenne ce qu’il s’était passé et le bordel que cela allait amener au camp. Si Reed pensait à ce moment très précis à ce que Susan lui avait confié il y a quelques mois de cela concernant une entrée illégale dans un laboratoire, le scientifique se sentait tout aussi coupable que Susan à ce moment-là. D’un côté, ils étaient quittes. Ils avaient tous les deux enfreints des lois qui régissaient leur comportement et leur décision. Reed but alors une gorgée d’eau, posa son verre sur le bureau qui avait fait sa réapparition, s’enfonça dans le fauteuil, regarda sa femme et commença alors à raconter ce qu’il s’était passé au complexe agricole. Il commença par parler des agitations qui l’avaient fait quitter son laboratoire. Il parla du conflit qui opposait Terriens et Sélénites.

- ... Je ne pouvais décemment pas les laisser se confronter, pire s’entretuer. La tension était à son comble… Il fallait que je fasse quelque chose… Et c’est là que…

Reed poursuivit sur la bagarre. Il avait longuement réfléchi à comment les séparer et s’il y arriverait seul. Il mentionna Sheelda, une Sélénite qu’il avait connu brièvement sur Luna à l’époque ainsi que Tyrone, un jeune garçon bien mystérieux. Il raconta bien évidemment tout le combat qui s’en suivit, son intervention, celle de ses deux comparses et la fin de cet épisode qui faillit tourner au drame. Le scientifique fit une pause, but une nouvelle gorgée d’eau. Il lui restait le plus dur à dire. La confrontation avec Danto. Il passa néanmoins le passage de la torture psychologique. Reed disait beaucoup de choses à Susan mais rarement sur ses peurs et ses pires cauchemars. Il n’avait pas non plus parlé du fait qu’il voyait Ben de temps en temps. Par ailleurs, il lui était apparu de nouveau au complexe agricole alors que cela faisait des mois qu’il allait mieux. Il reprit alors au moment où Sheelda, Tyrone et lui firent face à...

- ... Danto. Ce Sélénite mutant était vraiment puissant et nous avons eu beaucoup de mal à le maîtriser. Seulement, il était beaucoup trop fort…

Et enfin, il finit par dire ce qui arriva de pire. Sheelda s’élançant sur Danto. Danto qui meurt. Tyrone qui cache le corps. Les possibles témoins présents sur la scène. Les blessures de Reed. La disparition de Sheelda. Et c’est ainsi que Reed dévoila toute l’histoire à sa femme, tout ce qu’il venait de se passer laissant alors cette-dernière l’occasion d’imaginer les lourdes conséquences de ce meurtre qui intervient peu de temps après celui d’un barman terrien. Reed but une nouvelle gorgée d’eau. Il ne se sentait pas bien. Il doutait. Il avait peur. Une nouvelle épreuve les attendait alors qu’il pensait que les choses s’amélioraient dans le camp.