Il n’était pas supposé y avoir de clef à cette prison dorée. Amara s’était sciemment enfermée, avait laissé les chaînes se souder à son âme, parce qu’elle était persuadée que c’était la seule option possible. Que sur tous les chemins qu’ils pouvaient emprunter, seul celui-ci les aiderait à rester en vie. Peut-être qu’elle avait eu raison pendant un temps, mais les Terriens – et les Sélénites – n’étaient pas une race qui courbait indéfiniment l’échine. Ils se battaient pour leurs convictions, ils l’avaient toujours fait. C’était inscrit dans leur ADN, et même le plus pleutre d’entre eux pouvait relever le menton au moment où l’on s’y attendait le moins. Alors en dépit de ses réticences, lorsqu’il avait fallu faire un pas en avant, la mutante s’était exécutée. Comme en réponse à sa résolution, ses pouvoirs s’étaient à nouveau manifestés, et ce changement dans sa physiologie lui avait, semble-t-il, rendu son esprit combatif. Charles lui avait un jour expliqué que ses capacités étaient une part importante de son être, et si certains avaient l’impression que s’en débarrasser pouvait être une bénédiction, il avait toujours estimé qu’apprendre à mieux les contrôler était la meilleure solution. Chaque pouvoir avait son revers, son handicap, certains plus apparents que d’autres, néanmoins aucun mutant n’était parfait. Ou parfaitement équilibré… Quand, après plusieurs semaines de silence, le volcan s’était réveillé, il avait été difficile de l’éteindre à nouveau. La puissance qu’elle avait déployé lors de leur dernier affrontement contre le Roi Rouge l’avait vidée de toute son énergie – et paradoxalement, cela l’avait rendue plus alerte, plus désireuse de vivre. Sans l’aide de ses amis, elle ne serait d’ailleurs probablement jamais revenue de son « implosion » et elle en prenait lentement conscience maintenant qu’ils étaient loin de tout conflit. Les mains brûlées de l’asgardien lui revenaient en mémoire, cependant ce n’étaient pas les seuls souvenirs que cette longue bataille recelait. Il y en avait des plus tristes, et des plus joyeux.

Sa température corporelle avait brutalement chuté les heures suivants son éruption, alors elle avait accepté sans mot dire la veste que l’Immatériel avait déposé sur ses épaules. Il ne disait rien. Les derniers mots qu’ils s’étaient échangé restaient probablement gravés dans son esprit. Elle regrettait de s’être montrée si dure. Quand bien même à l’époque elle pensait le protéger, les protéger, elle n’avait jamais voulu le faire souffrir. Et loin de l’arrêter, tout ce qu’elle avait pu lui dire n’avait fait que motiver davantage Desmond à se dresser contre le régime en place. Avec succès. Elle exhala un soupir, tête baissée, des mèches noires devant les yeux. Comprenant qu’il ne servirait à rien de forcer le dialogue, la romaine se concentra plutôt sur la source de son pouvoir. Après un aussi long silence, elle avait l’impression d’avoir retrouvé l’un de ses sens. Comme si privée de ses pouvoirs, elle avait été aveuglée, ou que l’ouïe, le toucher, lui avaient été arraché. Les paupières mi-closes, elle explorait les nouvelles ramifications de sa mutation quand un bruit sourd la fit soudain sursauter. Ils n’étaient pas supposés attirer l’attention ; c’était l’idée d’un repère secret. Elle rouvrit les yeux pour découvrir l’origine de ce son, refermant les lèvres en découvrant un Immatériel à fleur de peau. Il l’interpella et elle frissonna devant l’intonation de sa voix. Au départ, Amara ne lui répondit pas. Elle se releva simplement, laissant la veste glisser de ses épaules nues pour la prendre doucement entre ses mains. Elle s’avança jusqu’à ce que l’aura chaude, rassurante, du mutant l’effleure : mais elle ne le toucha pas. « I know. »

« But you too. Each time you stood up, you could’ve been caught. Killed, cause they can’t really make you a prisoner. » Elle releva le menton, animée d’une ardeur qu’elle pensait éteinte à jamais. Entre ses mains, la veste était comme un jerrican d’essence prêt à enflammer le monde. « Look at me, » lui ordonna-t-elle presque, déterminée. Mara patienta jusqu’à ce qu’il daigne s’exécuter et lui renvoya son regard. « You made it. » Ses prunelles s’adoucirent. « You saved me. Even when I thought I couldn’t be saved. When I didn’t wanted to. »  Levant le bras, elle posa la veste contre la poitrine de Desmond et l’y maintint, sans pour autant décrocher ses yeux des siens. « You were right : we should’ve tried. I should have been with you. I wanted to, but I was too afraid to lose you on the process. To lose anyone. It’s no excuse, but this is how I felt back then. Frightened. Hopeless. » De son autre main, elle appuya le vêtement contre son torse. « Useless. But you never stopped. You had hope when I didn’t. You were willing to fight when I wanted to surrender. You were my flame, Des. »  A force de pousser la veste contre lui, elle avait fini par le mettre littéralement dos au mur. Elle le considéra un instant, songeant probablement à le relâcher, mais au lieu de se défaire, sa prise se resserra.  « Now you can be angry at me. You can be disappointed. For Jupiter’s sake, you can even yell at me, but do you really want to lose more time ? I need you. » Ses mots étaient peut-être porteurs d’un message tendre, mais elle n’essaya pas une seule fois de le toucher. Comme si la veste était le dernier rempart. « Wanna know my biggest fear right now ? » Et pas une seule fois son regard ne dévia du sien. « I fear that you already hate me for what I’ve done. I fear that I’ve killed our chance. Tell me I didn’t ruined this too… » Elle s’appuya contre lui, cherchant une réponse dans ses orbes pâles. « Tell me you still love me. »

Soupir. Soupir du cœur et de l’âme, quand enfin il fit un mouvement dans sa direction, daignant laisser des sillons chaleureux sur sa peau. Amara cilla devant l’intensité de ce toucher, pourtant léger, pourtant anodin. Il l’avait déjà fait par le passé, et si son derme était toujours sensible à ses caresses, cette fois elle le ressentait différemment. Était-ce à cause de l’implosion de son pouvoir, ou parce qu’elle était soulagée de le voir répondre à ses paroles ? Son rythme cardiaque s’emballait. « I think you could’ve been hurt by my words – and you’d be right, cause I was trying to hurt you. To make you hate me. I hoped that if you cared less, you would not put yourself in so much danger. But I forgot… » Les pouces du mutant vinrent s’arrêter devant ses oreilles, ses doigts se mêlant à ses mèches brunes. Elle inspira doucement son odeur musquée, pencha imperceptiblement la tête sur la gauche pour mieux sentir la paume rugueuse. Il reprit la parole et elle frissonna à ses mots. Délicatement, sa prise se défit sur la veste, et elle s’engouffra dans l’étreinte de ses bras, chaque geste étant exécuté avec une lenteur calculée. Pour ne pas risquer de le voir la fuir à nouveau, se rendre compte qu’elle l’avait trop blessé pour qu’il puisse supporter son toucher. Puis, progressivement, les dextres de Magma se frayèrent un passage sur le torse, les épaules, le cou, dansant sur les clavicules, effleurant la barbe qui dévorait sa peau. « I forgot that you were a hero, long before I tried to be one. You always were an inspiration to me. Your calm, your determination. » Son souffle se heurta au sien. « I fell long ago. I just had so much to learn back then that I didn’t wanted to be a burden, and I thought that you had girls a lot more interesting than me already running after you, » fit-elle après sa déclaration, tentant un ton plus léger. Un sourire se dessina sur le bout de ses lèvres. Là, au cœur de sa chaleur, elle se sentait revivre. Il parvenait à lui donner l’impression que ces dernières semaines n’avaient été qu’un interminable cauchemar. Elle n’oubliait pas pour autant ceux qui étaient morts, mais assez égoïstement, elle se disait qu’ils avaient bien mérité cet interlude de bonheur. Cette bouffée d’oxygène au beau milieu de la tempête. Accalmie. L’œil du cyclone.

« Touch me again, please. » Never stop. « I’ve missed this. I’ve missed you, every day. » Mara posa son front contre le torse de l’Immatériel, se fondant dans son aura réconfortante. Ses lèvres affleurèrent contre sa gorge, le creux près de sa mâchoire. Elle sentait la carotide battre plus fort sous ses baisers fugaces, imprévisibles. « Maybe it’s selfish, but I wish we never had to leave this place, » murmura-t-elle contre lui, ses mains s’emparant avec douceur de chaque centimètre carré de son corps. « I just want you to hold me like this a little while longer. I feel so safe… » Une dextre appuyée contre sa poitrine, elle se redressa juste assez pour trouver son regard et s’y accrocher. Sa bouche s’étira avec tendresse. « You always made me feel safe. Safe, accepted, and unique. That’s why I fell in love with you. »

L’index improvisa un passage le long de sa mâchoire, sur le rebord de ses lèvres, avant qu’elle ne se hisse sur la pointe des pieds pour y déposer un baiser impromptu. Elle n’y songea pas plus que nécessaire, à la portée de son acte, au risque de se faire repousser au dernier moment, ou à tout ce temps qu’ils avaient pu perdre. Un morceau d’elle serait toujours coupable de l’avoir fait souffrir dans l’espoir qu’il fasse machine arrière. Cela ne pouvait être effacé. Mais elle espérait qu’ils auraient suffisamment d’autres souvenirs pour remplacer ceux-là.

Car après tout, n’étaient-ils pas les grands vainqueurs de cette histoire ?

Le toucher de l’Immatériel était l’étincelle qui lui manquait. Chaque fois que ses doigts la touchaient, Amara se sentait prendre feu – littéralement, parfois, comme lorsqu’au palais ses pouvoirs s’étaient enfin réveillés. De manière paradoxale, il avait également été sa soupape de sécurité ce jour-là ; sa voix, ses mots, l’amour dans son regard. La confiance totale qu’il avait en elle. Chacun de ces détails avaient été nécessaires pour l’ancrer de nouveau dans la réalité. Elle se sentait, en cet instant et depuis son implosion, plus éveillée que jamais. Et si son esprit était toujours en partie emprisonné dans une spirale interminable de culpabilité et de rédemption, elle était également pressée de briser ses dernières entraves. N’avaient-ils pas assez souffert, tous à leur façon ? N’était-il pas temps de laisser à cette planète la chance d’être autre chose qu’un cauchemar ? Sans la tyrannie du Roi Rouge, les rescapés de la Terre auraient pu sûrement trouver ici un nouveau départ… C’était ce qu’elle disait au début, avant qu’ils n’arrivent et que la mort de Tony ne scelle son destin d’une toute autre façon. Elle avait eu tort, elle l’admettait à présent, mais cela ne voulait pas dire qu’elle allait se flageller pour l’éternité pour ses erreurs. Pas si Desmond était prêt à les pardonner, car son avis importait davantage pour la romaine que tous les autres. S’il la désirait auprès d’elle, elle resterait. S’il décidait, au contraire, que ses fautes étaient trop grandes, alors elle prendrait le temps nécessaire à rectifier ses torts jusqu’à ce qu’elle se sente capable de lui demander à nouveau son pardon.

A l’abri dans ses bras, Amara laissa échapper un long soupir. L’énergie déployée lors de l’attaque sur le palais l’avait vidée de toutes ses forces, ce qui expliquait sa température un peu plus basse que la normale, mais elle se sentait reprendre pied à chaque seconde noyée dans son aura. Quand leurs lèvres se scellèrent, marquant le début d’un nouveau chapitre dans leur relation, un rush d’adrénaline embrasa ses veines. Son cœur battait à tout rompre quand il inversa leurs positions, se servant de sa haute stature pour la surplomber en douceur. « I will, Des. I promise, » souffla-t-elle en acquiesçant, son regard magnétisé par le sien. Il était si calme, si sérieux. Avait-il attendu longtemps de prononcer ces mots, qu’elle soit prête à les entendre ? Une nouvelle fois, la romaine s’en voulu de l’avoir blessé lors de leur dernière discussion. Elle pensait ne pas avoir le choix, que cela lui permettrait de sauver la vie de l’Immatériel. Ce n’était pas une manière d’excuser ses actes, néanmoins elle tentait d’alléger le fardeau de ses épaules en le justifiant. Elle ouvrit les lèvres, souhaitant s’excuser à haute voix – une nouvelle fois – mais l’aveu du mutant la prit de court. I love you, Amara Aquilla, and I’ll never stop. Ses pommettes, son visage tout entier, s’empourprèrent. Fort heureusement, il lui offrit la distraction parfaite pour pallier à sa défaillance momentanée.

Et pour la première fois, Magma se laissa consumer par tous les sentiments qu’il faisait naître en elle. La confiance, l’empathie, le désir, la sécurité, tout s’emmêlait en un capharnaüm d’émotions qu’il réussissait à harmoniser par sa simple présence. Un peu plus tard, dans la nuit, elle lui murmura qu’elle l’aimait aussi et qu’elle ne quitterait plus jamais son côté. Car là était sa place.


Les semaines. Les mois. Une année s’écoula, chacun vaquant à ses occupations. Allant là où il était le plus utile. Amara et Desmond travaillèrent de concert, et parfois seuls, pour participer à l’effort de reconstruction. Ce n’était pas seulement du matériel, mais aussi de l’énergie, de nouvelles lois, des systèmes d’éducation, et progressivement, politiques. Pour remplacer une monarchie, une tyrannie, il fallait de solides épaules. Mais il y avait un temps pour chaque chose ; un temps pour construire, un temps pour soi, un temps pour eux. Et grappillés ici et là, il y avait ces moments qui n’appartenaient qu’au couple, qu’ils gardaient jalousement hors de portée de leurs amis. Parce qu’ils en avaient besoin pour se retrouver, après toutes ces années passées à s’éviter de crainte de faire le mauvais choix.

Ils furent bien évidemment au courant de la fête organisée en l’honneur de la nouvelle Sakaar, et comme beaucoup, ils s’y rendirent. Mais après deux heures passées à saluer tous ces visages, parfois inconnus, parfois familiers, Amara ressenti le besoin de s’isoler. Avec un sourire malicieux, elle vint trouver Desmond, glissant sa main dans la sienne – entremêlant leurs doigts tandis qu’elle annonçait à leur groupe d’amis qu’elle le kidnappait. « Sorry, but I need that man right now : I promise that I’ll give him back to you as soon as I can. » Mutine, elle l’entraîna dans l’une de ces alcôves avec balcon, choisissant l’une des plus éloignées de la foule. Sa robe mordorée soulignait sa démarche rapide, le tissu fluide s’enroulant autour de ses jambes. Sa crinière noire tombait désormais en-dessous de sa poitrine, et elle l’avait détachée ce soir pour les festivités. « I have something to tell you… » Prenant appui contre la rambarde, le creux de ses reins contre la pierre froide, elle l’attira contre elle en nouant ses mains dans sa nuque. « Well, actually, I have two things. » Sa bouche vint chatouiller son cou, et son souffle attisa la sensation quand elle demanda : « Do you wanna know thing number one, or thing number two first ? »

Ses lèvres effleuraient les siennes, mutines, quand elle se décida à lui répondre. Il n’y avait pas de mal à faire durer le suspense, n’est-ce pas ? Pas lorsqu’il s’agissait d’aussi bonnes nouvelles. « Well… remember that night, where you gave me the last chocolate you found at the market ? » Cela pouvait paraître ridicule, mais il n’y en avait plus tellement sur Sakaar. Il fallait attendre que les cultures de cacao soient prêtes, puis qu’ils mettent en place une véritable fabrication. En attendant, adieu Kit-Kat, Crunch et Milka, toutes ces petites friandises qu’elle avait découvert en même temps que le monde moderne, juste avant que tout ne lui soit arraché. Aujourd’hui, tout semblait si loin… Mais ils n’oubliaient pas pour autant d’où ils venaient. Ce qu’ils avaient enduré. « We danced. And… » Et ils s’étaient mutuellement réchauffés lorsque la nuit avait rapporté des températures plus fraîches. Concrètement, elle n’était pas certaine que ce soit cette nuit en particulier qui ait impacté sur le reste, mais elle aimait le penser. La technologie lui permettrait de définir cela plus précisément, toutefois elle voulait le faire en présence de Desmond. Après tout, il en était l’une des causes. « I’m pregnant, Des, » avoua Amara en se reculant, l’observant avec beaucoup d’attention. « I know it may be too soon, or maybe still a little bit dangerous, but I can’t help but be happy about it. I even started thinking of names, and… Please say something, you’re looking at me like you’ve seen a ghost. » Un rire nerveux lui vint, qu’elle étouffa progressivement, laissant ses mains s’amuser avec la cravate qu’il portait.

L’autre nouvelle pouvait attendre. Elle avait juste eu la confirmation, la veille, que le groupe de mutants chargé de construire leur petit « chez-eux », non loin de Sakaar, avait terminé les travaux. Bien évidemment, ce n’était pas un palace, mais il leur appartenait. C’était leur refuge. Et désormais, ils pouvaient s’y replier dès que la pression se ferait trop importante. Et… pour y créer leur propre famille. « Honey, are you ok ? » Amara tira doucement sur sa cravate, l’incitant à baisser la tête vers elle, inquiétée par son silence.

Lentement, la lueur surprise dans le regard de Desmond se changea en feux d’artifices. Elle avait appris, déjà avant qu’ils n’empruntent ce chemin, à déchiffrer ses expressions. Il parlait peu, observait beaucoup, alors elle s’était adaptée à son langage corporel – tout en restant la même, effleurant sa peau de caresses éphémères, toucher chaleureux et sourires amicaux. Peut-être étaient-ce parce qu’ils étaient autant différents dans leur manière de donner leur amour qu’ils se complétaient si bien. Elle haussa les épaules à sa première question, lâchant un rire dans le soulagement de le voir réagir aussi positivement. « Not long. I started to have doubts, so I went to see an old friend… And she told me the good news. » Une mutante, évidemment, qui avait eu la capacité de déceler un autre cœur battre en son sein. Garçon ou fille, par contre, elle ne pouvait pas le lui dire. Et quelque part, Amara préférait garder ce mystère pour eux. Ce n’était pas comme sur Terre, ils n’allaient pas peindre une chambre en rose ou acheter des dizaines de robes ridicules. Recommencer à neuf avait aussi ses bons côtés. La sensation de la paume de sa main sur son ventre lui donnait des frissons impossibles à réprimer. La jeune femme se blottit dans son étreinte, roulant exagérément des yeux lorsqu’il lui proposa de façon ironique le prénom de Desmond Junior. « Oh, come on, I can do better than that. » Son rire trouva un écho dans le sien, mais rapidement, un certain sérieux vint colorer le regard mutin de la romaine. Elle y avait longuement réfléchi.

« You can say no, but if it’s a boy, I’d like to name him after Jason. And if it’s a girl… » Crinière rose. Sourire pétillant. Lumière éclatante. Une ruée d’émotions contradictoires bloqua les prochains mots de Mara dans sa gorge et elle dû inspirer profondément pour reprendre le contrôle de ses cordes vocales. Le jour de leur victoire, ils avaient pourtant tant perdu. Lucia, Doom… S’ils furent les premiers, leur mort ne brisa pas autant l’esprit de Magma que celles des autres. Que Jason disparaisse fut un coup dur pour Desmond. Et tous les deux, ils perdirent une luciole très particulière à leur cœur. Yuuka. Leur famille avait été anéantie ce jour-là. Pourtant, ils se tenaient à présent ensemble sur ce balcon, plus forts que jamais. « Yuuka. » La jeune femme laissa le temps à son compagnon de se faire à l’idée, rajoutant au bout de quelques secondes, sa joue posée contre son torse. « The other news was about our house. It’s finished. » Doigts qui dessinaient des cercles dans son dos. « Is it selfish if I want to be alone with you ? » Soupir. Nez enfoui dans son odeur. « I want everything. »

Si elle avait tellement eu des réticences à se lancer dans la rébellion, c’était justement pour éviter des pertes comme celles qu’ils avaient subies. La mort de Yuuka avait laissé un vide qui ne serait jamais réellement comblé, même après des années. Lors des cérémonies d’adieux, une personne avait dit qu’un deuil ne s’effaçait jamais. Il s’allégeait avec le temps, devenait plus supportable, néanmoins rien ne remplaçait ceux perdus. Ce n’était pas possible. Pourtant… Pourtant, on pouvait encore garder un certain lien avec eux. Et c’était en partie ce qu’ils allaient essayer de faire en avançant, main dans la main. Quel meilleur moyen d’honorer leur sacrifice qu’en construisant un peu plus chaque jour ? Les doigts de la jeune femme crissèrent sur la barbe de l’Immatériel quand elle lui caressa la joue, reconnaissante quant à ses paroles encourageantes. Le trait d’humour qu’il tenta la fit sourire tendrement. Il avait toujours été attentif à ses changements d’humeur, même à l’époque où ils n’avaient pas encore assez confiance en leurs sentiments pour sauter le pas. Progressivement, il l’incita à se détacher pour mieux la détailler. Un sourire ourla ses lèvres, la sensation de ses pouces sur sa peau étant toujours aussi enivrante. « Also ? » « I want you to be my wife… » Ce fut à son tour de manquer de mots. Alors, à défaut de lui donner une réponse verbale, elle vint presser vivement ses lèvres contre les siennes.

Le baiser était rapide, sûrement un peu abrupt au début, mais il s’approfondit rapidement en la laissant à bout de souffle. Pressée contre sa chaleur, Amara reprit sa respiration, les prunelles brillantes. Ses joues, rosies par l’excitation, donnaient l’impression qu’elle était revenue à cette version d’elle qu’il avait connu à l’Institut. Emplie d’espoir et de bonne volonté, toujours avide d’apprendre. Curieuse, méfiante aussi, dont il avait su se rapprocher sans la faire fuir. « Yes. » Elle cilla. « I’m sorry, was I supposed to wait for the big proposal ? Cause I can’t. » Ses poings se refermèrent sur la chemise, qu’elle froissa légèrement dans son impatience soudaine. Autant l’idée de devenir mère l’angoissait quelque peu, n’ayant aucun souvenir de la sienne, autant qu’il lui propose cette union concrétisait ses rêves les plus fous. Il l’avait fait de manière sincère. Et sans le savoir, il balayait ainsi toutes les dernières inquiétudes qu’elle avait pu avoir quant à leur avenir. « What do we need ? A priest ? We swore an oath in front of the gods in Nova Roma, but I don’t know if they followed us here, » fit-elle avec un ton amusé, nouant ses dextres aux siennes. « I’ll settle for anything. I just need you by my side – for ever. »

Et, se hissant sur la pointe des pieds, elle scella cette demande d’un baiser passionné.

Pour le meilleur comme pour le pire.