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- Eh bien, que me vaut la visite de monsieur le dir- Reed !

Reed ne vit rien sur le coup mais sa femme usait de ses pouvoirs d’invisibilité. Se servant de l’eau, buvant une puis deux gorgées, il s’aperçut finalement que le bureau avait disparu, ainsi que sa chemise puis son pansement. La plaie était visible et il eut un mouvement de recul qui le fit mal. Il n’eut d’ailleurs pas le temps d’en placer une que Susan s’approcha, lui prit la main et l’asséna de questions. Elle voulait savoir ce qui lui était arrivé et elle voulait le savoir maintenant.

- Qu’est-ce qu’il t’es arrivé ? Un truc de grave ?

Reed grimaçait quelque peu de douleur tandis que Susan ne semblait pas pouvoir décrocher son regard de la blessure de son mari. Pourtant, elle n’était pas grave et Bruce avait fait du bon travail. Quoiqu’il en soit, l’heure était aux révélations et confidences. Il fallait absolument que le scientifique parle à sa femme de ce qu’il venait de se passer. Cela allait considérablement changer la vie aux camps. Les tensions de nouveau grandissantes entre Terriens et Sélénites étaient jusqu’alors contrôlables mais avec la mort de Danto, la disparition de Sheelda grâce à Tyrone et l’implication de mutants dans l’affaire ou au moins d’optimisés, cela allait prendre une tournure très mauvaise. Il releva alors le regard vers sa femme, tentant de capter son regard et put lui répondre quelques mots avant qu’elle ne pose de nouvelles questions.

- Me concernant, Bruce a dit que ce n’était pas très grave. Mais concernant ce qui vient de se passer, oui, on peut dire que c’est un « truc de grave ».

- Est-ce que cela a à voir avec les combats qui ont eu lieu dans le complexe agricole ?

- Oui...

Comme Susan devait s’en douter, Reed s’était précipité vers le complexe quelques heures plus tôt pour aller voir ce qu’il se passait. Lorsqu’elle lui demanda qui lui avait infligé cette blessure, il l’invita à s’asseoir et l’écouter. Il allait tout lui raconter depuis le début. C’était le seul moyen pour qu’elle comprenne ce qu’il s’était passé et le bordel que cela allait amener au camp. Si Reed pensait à ce moment très précis à ce que Susan lui avait confié il y a quelques mois de cela concernant une entrée illégale dans un laboratoire, le scientifique se sentait tout aussi coupable que Susan à ce moment-là. D’un côté, ils étaient quittes. Ils avaient tous les deux enfreints des lois qui régissaient leur comportement et leur décision. Reed but alors une gorgée d’eau, posa son verre sur le bureau qui avait fait sa réapparition, s’enfonça dans le fauteuil, regarda sa femme et commença alors à raconter ce qu’il s’était passé au complexe agricole. Il commença par parler des agitations qui l’avaient fait quitter son laboratoire. Il parla du conflit qui opposait Terriens et Sélénites.

- ... Je ne pouvais décemment pas les laisser se confronter, pire s’entretuer. La tension était à son comble… Il fallait que je fasse quelque chose… Et c’est là que…

Reed poursuivit sur la bagarre. Il avait longuement réfléchi à comment les séparer et s’il y arriverait seul. Il mentionna Sheelda, une Sélénite qu’il avait connu brièvement sur Luna à l’époque ainsi que Tyrone, un jeune garçon bien mystérieux. Il raconta bien évidemment tout le combat qui s’en suivit, son intervention, celle de ses deux comparses et la fin de cet épisode qui faillit tourner au drame. Le scientifique fit une pause, but une nouvelle gorgée d’eau. Il lui restait le plus dur à dire. La confrontation avec Danto. Il passa néanmoins le passage de la torture psychologique. Reed disait beaucoup de choses à Susan mais rarement sur ses peurs et ses pires cauchemars. Il n’avait pas non plus parlé du fait qu’il voyait Ben de temps en temps. Par ailleurs, il lui était apparu de nouveau au complexe agricole alors que cela faisait des mois qu’il allait mieux. Il reprit alors au moment où Sheelda, Tyrone et lui firent face à...

- ... Danto. Ce Sélénite mutant était vraiment puissant et nous avons eu beaucoup de mal à le maîtriser. Seulement, il était beaucoup trop fort…

Et enfin, il finit par dire ce qui arriva de pire. Sheelda s’élançant sur Danto. Danto qui meurt. Tyrone qui cache le corps. Les possibles témoins présents sur la scène. Les blessures de Reed. La disparition de Sheelda. Et c’est ainsi que Reed dévoila toute l’histoire à sa femme, tout ce qu’il venait de se passer laissant alors cette-dernière l’occasion d’imaginer les lourdes conséquences de ce meurtre qui intervient peu de temps après celui d’un barman terrien. Reed but une nouvelle gorgée d’eau. Il ne se sentait pas bien. Il doutait. Il avait peur. Une nouvelle épreuve les attendait alors qu’il pensait que les choses s’amélioraient dans le camp.

Reed avait l’habitude de jouer dans le jardin lorsqu’il était petit. Jouer était un bien grand mot. Reed n’était pas un enfant comme les autres. Ses parents en étaient conscients et en étaient même fiers. Sa différence serait sa force. Il ne jouait pas avec des petites voitures ni ne côtoyait d’autres enfants. Reed était plus heureux seul face à lui-même. Bien sûr, il eut des amis durant sa scolarité mais il eut surtout des Némésis, plus jaloux les uns que les autres. C’est à cette époque qu’il s’était fixé comme objectif d’améliorer la vie sur Terre, de participer aux révolutions technologiques qui viendraient dans le futur. Il en était persuadé, la Terre allait évoluer et il voulait y participer. Cet objectif grandit au fur et à mesure des années. Après la mort de sa mère, après la mort de son père, après la rencontre avec Ben, après la rencontre avec Susan puis leur mariage, puis leurs enfants. Reed avait vécu beaucoup de choses et chaque jour, il avait la motivation de faire de son mieux pour que sa famille soit en sécurité, pour qu’elle ait un futur, pour que tout le monde ait un futur. Il était devenu le leader des Quatre Fantastiques, avait pris le nom de Mr. Fantastic et faisait régner la paix et la justice aux États-Unis mais parfois aussi dans divers endroits du monde. Jamais Reed n’aurait pensé un jour vivre les dernières heures de la Terre. Ce 8 avril 2005, il ne savait pas encore que la guerre entre Terra et Luna allait bientôt finir et ce dans des circonstances catastrophiques. Ce 8 avril 2005, c’étaient les prémices de la fin du monde.

La fin du monde lui avait toujours fait peur tout comme la fin de la vie, la mort ou du moins le fait de mourir. Cela lui ait venu le jour où sa mère est morte. C’était le premier gros traumatisme de Reed. Ce jour-là, il prit conscience que la vie avait une fin et que tout le monde avait une fin. Devenu depuis scientifique, il espérait inconsciemment et consciemment combattre cette fatalité même si bien sûr, il savait que c’était impossible. Il était permis d’espérer. Lorsque la guerre éclata entre la Terre et la Lune, il avait peur de la fin du monde, encore plus qu’avant, lui provoquant parfois des cauchemars ou des crises d’angoisse qu’il cachait à Susan. Il était hors de question de l’embêter, l’encombrer, l’inquiéter avec cela. Il gérait. Il gérait… La guerre perdurait et aujourd’hui, elle venait de prendre une tournure que Reed ne voulait pas qu’elle prenne. Des Terriens avaient abattu des navettes sélénites. Il était bizarrement apaisé grâce à la présence de Susan qui était d’un réconfort exceptionnel et à la fois en colère contre ce qu’il venait de se passer. C’en était fini de la possibilité d’une paix entre les deux peuples. La guerre allait continuer et allait devenir de plus en plus violente. Reed désespérait, était démuni, ne comprenait pas. Et quand Reed était dans cet état, c’était habituellement mauvais signe. Susan avait dû le sentir, l’apercevoir dans son regard baigné de larme. Reed ne savait pas quoi faire.

- Tu as parlé au président ? Oh, j’imagine que lui doit se féliciter, d’avoir tellement de… civils…

Reed fut rappelé à la réalité. Les yeux rivés sur la télévision, il fut comme transporté quelques secondes dans un lieu sûr. Ses souvenirs. Sa mère. Son père. Leur maison. Leur vie paisible. Trente-cinq plus tôt. Essuyant ses yeux, passant une main sur son visage, chassant les larmes restantes, Reed plongea son regard dans celui de Susan. Le président des États-Unis. Reed le connaissait ou du moins, entretenait une relation professionnelle avec lui depuis son élection quelques années plus tôt. Cette relation était déjà présente avec le président précédent et le président avant ça. Depuis 1994 et leur accident, Reed était devenu un homme populaire et important à l’instar de Charles Xavier pour les mutants. Entretenir une bonne relation avec le président avait été un objectif supplémentaire. Les Quatre Fantastiques défendaient les États-Unis et le monde, il ne fallait pas que le gouvernement les prenne comme une menace alors qu’il venait aider celui-ci, aider leur nation.

- Pas encore… J’ai rendez-vous avec lui dans l’après-midi, je pars dans quatre heures pour Washington D.C.

Il l’avait décidé quelques minutes plus tôt, lorsqu’il était en vidéoconférence avec le général Hawkings. La situation était catastrophique. Reed préférait s’y rendre en personne et ne pas discuter de tout ceci en vidéo. Les répercutions allaient être horribles, Reed le savait, le sentait. Il pensa alors à ses enfants presqu’au même moment où Susan les mentionna.

- Les enfants n’en peuvent plus. Franklin pleure beaucoup, il a peur de ce qu’il va se passer. Il m’a dit que si on en avait besoin, il voulait bien utiliser toute sa puissance pour repousser la guerre.

Reed se tourna, silencieux, vers sa femme, assise. Franklin. Reed lâcha une larme et un sourire. Cet enfant innocent était doté d’une puissance incommensurable. Il en était presque que conscient et le couple Richards-Storm en avait déjà été témoin. Reed s’en souvenait mais chassait rapidement ce souvenir. Cela avait été compliqué pour tout le monde. Reed était devenu très protecteur avec son fils tout en essayant de ne pas délaisser Valéria. Reed et Susan avaient deux enfants exceptionnels. Ils comprenaient bien le monde dans lequel ils vivaient et l’environnement dans lequel ils grandissaient. Leurs oncles étaient la Torche Humaine et la Chose. Leur père pouvait étirer son corps. Leur mère pouvait devenir invisible. Ils étaient le produit fantastique de deux optimisés. Il n’était pas étonnant à ce qu’ils le soient également. Lorsqu’elle fit mention de la proposition de Franklin, ses yeux se froncèrent et il tourna le dos à Susan. Il était bien évidemment hors de question qu’ils utilisent les pouvoirs de Franklin. Il y avait forcément un autre moyen moins drastique. Elle parla également de Valéria, leur fille. Reed se doutait bien de ce qu’elle pouvait faire. Elle était comme lui. Elle était son parfait produit. Il irait lui parler plus tard, il le fallait, ainsi qu’à Franklin.

- Il faut qu’on tienne bon, toi et moi. Pour eux, au moins.

- Il va falloir qu’on leur parle. Cela va être compliqué mais il le faut. La guerre va prendre une tournure des plus catastrophiques. Les Sélénites ne laisseront pas cette catastrophe impunie. Ils vont attaquer plus férocement et il faudra être prêt.

Valéria et Franklin représentaient leur avenir et il fallait qu’ils le préservent. Ils avaient encore tant de belles années à vivre. Leurs enfants étaient encore jeunes. Reed ferait tout son possible pour assurer leur sécurité dans la difficile épreuve qui les attendait. Il retourna vers Susan, se mit à sa hauteur et lui prit la main qu’il embrassa d’un doux baiser. Il ne le montra pas mais à ce moment-là très précis, il sentit au fond de lui que le pire restait à venir, que la destruction de ces navettes n’était qu’un avant-gout de ce qui allait arriver. C’est également à ce moment que Reed allait s’enfoncer de plus en plus dans la dépression, inquiet pour sa femme, inquiet pour ses enfants, ses amis, inquiet pour les terriens, inquiet pour la planète… inquiet pour le futur.

Reed Richards était fier de présenter la Future Foundation. Cela était un pas vers le futur. Ces derniers mois ont été compliqués et la vie au camp n’a pas toujours été facile. Mais il était fier du chemin qu’il avait parcouru jusqu’ici. Il était fier de ce projet qui allait considérablement changer le camp et marquait ainsi le début d’une nouvelle ère. Écoutant Susan, regardant les regards curieux et intéressés de ceux et celles pour qui ils faisaient cette visite, Reed était heureux. Enfin. Il l’était. Et rien ne pourrait entacher ce bonheur retrouvé. La visite avançait bien et était presque finie. Il y avait encore des choses à améliorer pour cette Future Foundation mais le principal était là. Soudainement, Reed releva la tête de son carnet. Il ne s’attendait pas à ce qu’on le sollicite, d’autant qu’il n’aimait pas trop parler devant des gens. Ce n’était pas de la timidité – quoique… – mais il était conscient que quand il commençait à faire un discours, il partait souvent loin et ne savait pas forcément s’arrêter.

- Professeur Richards, peut-être souhaitez-vous faire un exposé de ses propriétés à ce monsieur ?

Reed regarda Susan. Personne autour ne pourrait comprendre ce regard qu’il venait de lui lancer à part elle, sa femme, celle qui le connaissait par cœur. Ce regard en disait long. Reed n’avait pas forcément envie d’intervenir. De plus, il était plongé, tout en écoutant et suivant la visite, dans ses notes, pensant déjà aux améliorations possibles, aux choses auxquelles il n’aurait pas pensé. Fermant son carnet, il s’avança brisant alors le lien avec Susan. Il fallait donc qu’il se lance dans une explication des plus compliquées sur les particularités du métal gigantien. Il ne savait pas par où commencer et imagina déjà un chemin détourné pour ne pas trop perdre son auditoire. Il prit une discrète inspiration et commença son bref exposé.

- Je ne voudrais pas vous perdre avec mes explications scientifiques, Monsieur. Mais ce que je peux vous dire c’est que le métal gigantien dépasse totalement les capacités du métal que nous connaissons tous. Après étude, il semblerait que ce métal soit un alliage de plusieurs métaux qui me sont inconnus. Quoiqu’il en soit, cet alliage donne ce métal très résistant. Il pourrait être apparenter au vibranium ou adamantium mais avec des propriétés plus poussées.

Il maqua une courte pause avant de reprendre, toujours le regard tourné vers l’homme qui avait posé cette question.

- Comme vous l’a dit le professeur Storm-Richards, les portes sont faites dans ce métal et assure une protection totale pour ceux qui se trouvent dans cette salle et ceux qui passeraient dans le couloir situé de l’autre côté de la porte. Il n’y a aucun danger pour vos enfants, mutants, humains ou sélénites. Notre structure est faite pour les accueillir en toute sécurité.

L’explication était succincte mais il savait sans aucun doute que cet homme n’aurait compris si Reed avait commencé à parler des métaux qu’il avait trouvé dans cet alliage, de toutes les spécificités de ce métal gigantien aux propriétés extraordinaires. Reed travaillait encore dessus et espérait pouvoir en récupérer en quantité. Le vibranium et l’adamantium ne se trouvent plus maintenant que la Terre n’était plus. Il fallait donc faire avec de nouveaux moyens et de nouvelles technologies. Une chose était sûre : la Future Foundation a été construite avec, comme maître mot, sécurité. Reed voulait le meilleur pour la future génération qui devait grandir et se construire dans un camp primaire et en construction.

La Terre, quelque temps avant l’arrivée de Reed sur Sakaar, quelque temps avant la destruction de la Lune et de la Terre, Reed espérait encore pouvoir sauver les choses. Cela faisait des mois qu’il s’était enfermé dans son laboratoire. La tension était à son comble. La guerre avait été déclarée depuis près d’un an. Reed était depuis en constante relation avec les hauts membres du gouvernement. Il espérait pouvoir changer le cours des choses, apaiser les tensions, rétablir la paix. Affublé de la célèbre combinaison des Quatre Fantastiques sous sa blouse de scientifique, Reed était à la fois en train d’écrire sur son tableau tout un tas de formules incompréhensible pour des novices en sciences et à la fois en train de discuter avec un général de l’armée américaine. C’était son quotidien depuis le début de la guerre. Une fois la conversation achevée, le général ayant rapidement raccroché, Reed revint à ses calculs puis s’étendit jusqu’à son bureau pour noter des résultats que lui seul pouvait lire au vu de son écriture bizarre de scientifique. Il n’entendit pas Susan rentrer mais avait bien compris ce qui se passait. La télévision était allumée. Située sur le bureau, Reed avait les yeux rivés dessus.

Tout s’était enchaîné si vite. L’appel du général concernait bien évidemment l’information qui passait à la télévision. Les navettes sélénites avaient été attaquées. Pire, elles avaient été désintégrées, visées par une flotte aérienne américaine. Reed avait alors appelé en catastrophe le général mais ce-dernier niait les faits. Il n’était pas l’instigateur de cet ordre. Reed était furieux. La guerre faisait rage depuis un an mais la paix était encore possible. Désormais, cet espoir n’est plus. La guerre s’enracinait. Les larmes aux yeux, Reed assistait impuissant à la bêtise humaine. Tous ces pauvres sélénites morts dans ces navettes. L’homme était si stupide à ce point ? Reed se posait légitiment cette question. Il abandonna ses calculs et se posa devant le journal télévisé. L’information passait en boucle. Quelques minutes s’étaient écoulées et il se retrouva avec Susan l’enlaçant. Il ne l’avait en effet pas entendu arriver avant qu’elle ne l’interpelle en prononçant son prénom.

- Reed !

Surpris, Reed se laissa attraper par sa femme. Elle devait avoir vu la nouvelle également. La triste nouvelle. La tragédie. Se retournant, faisant ainsi face à Susan, il voyait sur son visage, dans son regard, que cette nouvelle était plus que mauvaise, qu’elle était aussi attristée que l’était le scientifique, qui avait alors abandonné toute activité, toute recherche. Il essuya ses larmes, fit un signe positif de la tête lorsqu’elle lui demanda s’il avait vu. Leurs regards se posèrent sur l’écran télévisé. Le reporter racontait une nouvelle fois ce qu’il venait de se passer. C’était tragique et horrible. Reed et Susan savaient ce que cela allait signifier pour le futur de l’humanité, le futur de la Terre, la suite de la guerre. Il entoura Susan et la prit dans ses bras à son tour. Il ne pouvait la réconforter. Il en était incapable à ce moment-là. Lui-même était choqué par ce qu’il se passait. Il daigna tout de même lui répondre, brisant le petit silence qui s’était installé, laissant alors la voix à la télévision s’imposer.

- Les idiots… Ils ne savent pas ce qu’ils viennent de déclencher...

La guerre était déjà là, oui, mais la paix aurait pu être possible. Reed en restait convaincu. Avec cette catastrophe, les Sélénites allaient sûrement vouloir se venger, attaquer de nouveau les terriens. La guerre était donc relancée. Face à cela, Reed se sentait impuissant. Il n’arrivait même plus à réfléchir, se sentait lui-même… idiot. Cela ne lui était jamais arrivé encore. S’éloignant de Susan, il avança jusqu’à l’écran télévisé et l’éteignit. La vision horrible était insupportable. Il contourna alors son bureau et se posa face à l’horizon que lui offrait la vue du dernier étage du Baxter Building. Ce dernier étage était consacré à son laboratoire. Reed Richards se tenait donc face à New-York, la ville des super-héros, la ville de tous les maux. Il s’en était passé des choses dans la Big Apple. Reed repensa à tous les combats des Quatre Fantastiques. Ce qu’ils vivaient actuellement, la guerre entre la Terre et la Lune, était quelque chose de connu dans l’Histoire. Deux civilisations qui se font la guerre, ce n’est pas nouveau. Mais le scientifique identifiait tout de même des facteurs inédits, des éléments nouveaux dans cette guerre. Elle risquait en effet de voir l’extinction des deux peuples, terriens comme sélénites. Et il ne savait pas du tout quoi faire face à cela.

- Je suis démuni, Susan. Je ne sais pas quoi faire. Je ne sais pas où on va...

Le passé semblait si paisible comparé au présent tendu. Quant au futur… Reed, face à l’immensité New-Yorkaise, ne l’imaginait plus, n’arrivait plus à y penser. Il se demandait même s’il leur restait-il un avenir.

- Reed ? Reed, réveille-toi !

Reed Richards se réveilla en sursaut. Il mit quelques secondes à se rappeler où il était. Il saisit la main de Ben et se releva. Puis, il se figea. Il se repassait cette scène en tête. La main de Ben. La main de Ben ! Elle était normale. Comment cela se faisait-il ? Il jugea bon de ne pas réagir. Reed continua son chemin jusqu’au camp terrien. Ben n’arrêtait pas de lui parler de son génie, de comment il avait fait évoluer la vie au camp. Reed se doutait que tout ceci cachait quelque chose. Cela ne pouvait pas être vrai. Ben n’était pas sur Sakaar. C’était impossible. Puis des flashs lui revinrent. Tyrone. Sheelda. Ce Sélénite agressif. Arrivé au camp, tandis que sa fille lui sautait dans les bras, Reed se revoyait séparant les terriens des sélénites au complexe agricole. Les hostilités avaient cessé mais ce sélénite les dupait, en ce moment même. Tandis que le corps de Reed était étendu au sol au milieu des belliqueux, les bras détendus, les jambes détendues, tout le corps étiré, son esprit, lui, vivait un rêve… ou un cauchemar ? Le scientifique ne le savait pas encore.

- REEEEED !!!

Reed ouvrit les yeux. Le décor avait changé mais il n’en avait pas conscience. Ce rêve avec Ben, il l’avait oublié comme on oublie un rêve au réveil. Cette fois-ci, sa femme l’appelait à l’aide. Elle devait être en danger. Lorsqu’il arriva, il n’en crut pas ses yeux. Sa fille Valeria était allongée au sol, inconsciente, une flaque de sang dans laquelle elle baignait. La vision d’horreur continuait quelques mètres plus loin avec son fils, Franklin. Il suivit les cris de sa femme, enjambant de plus en plus de cadavres. Nathaniel, son père. Evelyn, sa mère. Johnny, son beau-frère. Ben Grimm, son meilleur ami. Reed faiblissait à mesure qu’il avançait, les larmes ruisselant sur son visage. La rage également s’installait petit à petit. Il courut jusqu’à cette porte qui ne semblait jamais se rapprocher, les cris de Susan ne cessaient pas. Il se grossit et défonça la porte lorsqu’il l’atteignit enfin. Il s’attendait à voir Doom, son némésis, Namor, le Prince des Mers ou encore Annihilus ou même Galactus. Non, aucun d’eux ne s’en était pris à Reed et sa famille, aux Quatre Fantastiques. Non. Devant lui se trouvait sa femme prise en otage par nul autre que… lui-même.

- Reed ! Ravi que tu daignes enfin te joindre à nous !

- Qu.. Com… Comment c’est possible ? Qu… que m’arrive-t-il ?

C’est alors que le Reed qui se tenait en face de lui en profita pour resserrer son emprise sur Susan et la tuer. En plein cauchemar, Reed fonça alors sur son double et un combat acharné débuta entre les deux. Il avait tué ses enfants ! Il avait tué son beau-frère ! Il avait tué son meilleur ami ! Il avait tué sa femme… C’est alors que Reed, après avoir mis une bonne droite à son double, percuta le sens de ce cauchemar. Il se rappela alors les terriens, les sélénites, le complexe agricole. Ce sélénite était très puissant mais l’esprit de Reed l’était aussi bien que pas assez puissant pour déjouer cette emprise illusoire. Il fut ensuite pris au piège par son double qui ne lâchait rien. Reed réfléchit alors à un moyen de se sortir de là, usant de ses pouvoirs, bien que se sachant enfermer dans son propre cauchemar. L’espoir était perdu. Reed face à sa culpabilité. Tel était son quotidien. Tel était son fardeau. Et il se savait perdant face à elle, sans aucun moyen de pouvoir en sortir.

Non, ne me demande pas pardon. Tu n’as rien à te faire pardonner.

Une voix. Celle de Susan. Elle était si lointaine et pourtant Reed l’entendait. Ces mots. Les mots de Susan résonnaient dans sa tête comme une faille dans le système, une faille dans ce cauchemar. Son espoir. Son faible espoir, représenté par celle qu’il aime le plus au monde. Il se manifestait au bon moment et Reed s’accrocha à cet espoir. Sa femme. Ses enfants. Valeria, sa petite fille chérie. Franklin, son petit gars adoré. Les larmes aux yeux, le sourire aux lèvres, Reed se dégagea de ce double « maléfique », de sa culpabilité. Le combat reprit de plus belle. Il prenait l’avantage sur lui-même. Pour Susan. Pour Valeria. Pour Franklin. Pour Johnny. Pour Ben ! Le double s’effaça, Reed se retrouva alors seul face au cadavre de sa femme. Cela restait une vision d’horreur de la voir comme ça, par sa faute. Bien qu’il sût que tout ceci n’était pas vrai, il avait la vision de Susan, les yeux ouverts, le regardant lui mais le corps sans vie. Il ferma alors les yeux et continuait de l’entendre.

Moi aussi je t’aime, espèce d’idiot.

Chassant ses larmes, il souriait, riait même en entendant les mots de Susan. Oui, il était idiot, idiot d’avoir cru être responsable de tout, idiot de croire qu’il l’est encore. Mais Reed ne se faisait pas d’illusion, c’était dans sa nature de se rendre coupable. C’est en ouvrant les yeux qu’il émergea, la réalité se rappelant à lui. Les terriens. Les sélénites. LE sélénite. Il fallait stopper tout ça. Il fallait que ces tensions s’apaisent sinon l’avenir du camp serait incertain et cela se rajouterait sur les choses dont Reed Richard se rendait coupable…

L’éducation a toujours été quelque chose d’important pour Reed. C’est pourquoi il était devenu professeur à l’université. C’est pourquoi, après avoir émergé il y a quelques mois, il projetait de créer une structure pour les terriens et sélénites sur Sakaar. Leur avenir était au camp désormais et sans l’aide de la dirigeante, il fallait bien qu’ils se débrouillent comme ils pouvaient. C’est dans ce contexte qu’est née la Future Foundation. Des semaines de travail, des semaines de mise en place et de constructions de bâtiments. C’était le résultat d’une collaboration très agréable et très productive entre le scientifique, sa femme et trois mutants : Desmond, Yuuka et Amara. Aujourd’hui, après toutes ces semaines à travailler ensemble, ils inauguraient le bâtiment de la Future Foundation. C’était le moment qu’ils attendaient tous et toutes. Susan, chargée de faire la visite, accueillit les personnes présentes et les incita à la suivre.

- Bonjour à vous. Comme Monsieur le Directeur l’a dit, je suis le Professeur Susan Storm-Richards. Je vous présente Mlle Amara Aquilla, notre directrice de la vie scolaire. Nous allons vous faire visiter l’établissement, si vous voulez bien nous suivre…

Reed avait convenu avec Susan de la laisser faire la visite. Il ne se sentait pas encore capable de tout. Il allait mieux, c’était indéniable mais tout n’était pas encore rentré dans l’ordre. Les terreurs nocturnes, les cauchemars, il gérait, en faisait moins. Les maux de tête, il en avait toujours eu et en aurait toujours mais il devait reconnaître en avoir moins. Ben. Il était toujours là. Il le hantait tous les jours, surtout quand il était fatigué et depuis son arrivée sur Sakaar, c’était presque constamment. Il suivait le groupe, souriant de temps à autre à quelques terriens ou sélénites qui le regardaient. Susan s’en sortait très bien. Il avait une confiance aveugle en elle et également envers Amara, Yuuka et Desmond qui pouvaient également intervenir dans la visite. Au fur et à mesure de celle-ci, Reed repensa à toutes ces semaines de travail. Cela avait été si motivant, si agréable. C’était merveilleux de pouvoir travailler sur un projet qui ferait avancer les choses. C’est ce qu’ils cherchaient tous finalement. Avancer. Vivre. Et Reed repensa alors à son monde meilleur. Ses objectifs qu’il avait sur Terre revinrent à lui. Pleins projets, pleins d’idées inondèrent son esprit. Reed Richards était de retour et il comptait bien rendre la vie au camp meilleure.

Reed Richards était heureux que la Future Foundation ouvre. Après des semaines de travail, ce projet prenait enfin vie aujourd’hui. Cela le remplissait de joie, sur le moment. Cela ne l’empêchait pas, au fond, d’avoir ses doutes, ses inquiétudes. Le scientifique revenait de loin. Cela faisait quelques mois déjà qu’il allait mieux mais le chemin était long. Il était donc bien présent mais avec des moments d’absence. Il espérait par ailleurs que ceux-ci ne soient pas perceptibles. Malheureusement pour lui, certains l’avaient remarqué. Il fit alors un discours, sauvant les apparences et permettant aux gens de voir qu’il était pleinement présent avec eux pour l’ouverture. Il regardait sa femme, source de son bonheur et la seule personne sur qui il pouvait compter désormais. Et il la dévora encore plus des yeux lorsqu’elle se mit à parler à l’assemblée.

- Notre école doit s’imposer, que les gens comprennent qu’en plus d’être indispensable, elle est efficace.

Reed sentit la main dans la sienne. Ce simple geste procurait une sensation de bien-être au professeur et ses doutes s’échappèrent. Il reporta toute son attention à l’école, à ses collègues, à l’assemblée présente pour l’inauguration. Ce jour était un événement et Reed ne voulait pas le gâcher. Il sentit la main de sa femme le quitter et il lui sourit avant qu’elle ne s’avance.

- Et cela va commencer dès maintenant. Les premiers enfants arrivent. Vous êtes prêts pour la visite ?

C’était l’heure. La visite de la Future Foundation par Susan comme ils l’avaient prévu. Reed était un peu stressé. Il était tout le temps stressé lorsqu’un projet dans lequel il avait mis tout son cœur voyait le jour. Mais il n’était pas seul. Il pouvait compter sur sa femme, Susan Storm, et ses trois collègues, Yuuka Sasamori, Amara Aquilla et Desmond Lorod. Ils formaient la toute première équipe de la Future Foundation. Reed espérait que d’autres les rejoindraient au fur et à mesure, selon le nombre d’enfants qu’ils auraient. Il avait toute confiance en eux pour accueillir et accompagner les enfants, quels qu’ils soient – terriens, sélénites, mutants – et leur apporter les connaissances nécessaires. Le futur était en marche et Reed savourait ce moment.

Oh, Reed… Comme si cela allait changer quelque chose…

Ignorant cette voix qu’il ne connaissait que trop bien, Reed s’avança vers Susan, plongea son regard dans celui de sa femme et dans un sourire, il déclara.

- On vous suit, professeur Storm.