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- Alors, tu penses que c'est la fin ? Qu'il faut rester là à attendre que les choses se fassent sans rien tenter ?

C’est la fin. Jason ne le pensait. Il le savait. Comment survivre à ce qui allait se passer ? Comment réparer ce que les Terriens venaient de faire ? Comment arrêter ce conflit qui venait de se relancer ? Jason trouvait cela tellement écœurant l’espoir inculqué aux mutants de Xavier. Ce n’était pas la vraie vie, encore moins quand on est mutant. Persécuté et maltraité toute sa vie ou quasiment, Jason n’avait finalement connu que peu de moment de répit. Les humains étaient si prévisibles, cela n’étonnait guère l’illusionniste ce qu’il venait de se passer. Et les X-Men, les mutants de l’Institut venaient en aide. Oh que c’est mignon. Comme si cela allait changer quelque chose. Restant de marbre devant son vieil ami désormais ennemi, Jason roula des yeux d’un exaspéré tout en fumant son cigarillo. Entre deux bouffées, il jaugeait Desmond. Il se demandait à quel moment il était devenu comme ça, à quel moment leurs chemins s’étaient séparés, éloignés de la sorte. Désormais, plus rien ne les reliait. Jason ne pouvait concevoir sauver l’amitié qui les réunissait. La fin était proche. À quoi bon...

- Que veux-tu faire, Desmond ? L’espoir de Xavier ne vous sauvera pas cette fois. Les humains ont été trop loin.

Les deux ex-frères se toisaient. Tout comme Charles et Erik, ils représentaient les antipodes de la cause mutante. Ils s’opposaient désormais depuis des années. Desmond semblait avoir abandonné l’idée de remettre dans le droit chemin Jason là où Jason n’espérait plus récupérer son ami, son frère. Et maintenant que la fin était proche, cela n’importait plus. Les Terriens venaient de signer l’arrêt de mort de la Terre. Les Sélénites allaient probablement répliquer très fortement. Alors à quoi bon se battre si l’inévitable est à venir ? Jason ne se leurrait plus depuis des années. Magneto ne lui avait pas montré la voie de l’espoir mais bien du réalisme. En apprenant cette catastrophe, Jason avait laissé tomber sa mission. Il était parti seul, oubliant tout le reste. Il voulait constater lui-même à quel point c’était grâce. Tout le monde s’affolait, l’inquiétude gagna le pays entier. La guerre était loin d’être finie.

- Où est Magnéto ?

Jason se concentra sur Desmond tout en réfléchissant, repensant à Magneto. Comme si Jason allait lui dire où se cachait Magnéto. Cela le fit doucement sourire. Il se leva, jeta son cigarillo, affichant toujours ce sourire désagréable pour les autres, amusant pour lui. Il ne voulait vivre ses dernières heures en compagnie d’idiots pensant que tout irait bien. Jason tirait sans doute des conclusions hâtives mais sans le savoir il n’était pas loin de la vérité. Il tourna alors le dos à Desmond. Sans un bruit il commença à se diriger dans la direction opposée afin de quitter ces lieux lugubres. Il se tourna finalement vers son vieil ami pour lui parler dans un sourire.

- Peut-être que nous nous recroiserons… vieux frère.

Et Jason, tout sourire, fit un clin d’œil à Desmond et disparut. Les deux mutants ne se revirent plus jusqu’à leurs retrouvailles sur Sakaar quelques semaines plus tard. Jason avait eu raison. C’était la fin… de la Terre… et de Luna.

Desmond Lorod. Voilà un visage qu’il n’avait pas vu depuis bien longtemps. Les deux hommes étaient amis, autrefois, en des temps reculés. Ils étaient là l’un pour l’autre. Ils étaient complémentaires et tout les attirait. Tous deux mutants, ils connaissaient les limites, les faiblesses mais aussi la puissance de l’autre. Ils formaient sans aucun doute un duo sans faille qui aurait été capable de faire de grande chose. Malheureusement pour cette belle amitié, le destin avait décidé de les séparer, les éloigner, les opposer. Alors que l’un empruntait la voie de Charles Xavier, l’autre empruntait celle d’Erik Lehnsherr. Les deux amis opéraient alors de la même manière que ces deux grands mutants que tout opposait là où tout les rapprochait. Pourtant, il y avait une différence entre l’amitié Xavier-Lehnsherr et l’amitié Lorod-Wyngarde. L’amitié disparaissait au fil des années. L’un était incapable de pardonner à l’autre. La trahison était trop forte et l’amour laissa peu à peu sa place à la haine. La confiance se transforma en méfiance. Ils ne se connaissaient plus. Ils avaient perdu tout ce qu’ils avaient bâti ensemble. C’était bien plus qu’un ami pour Jason, Desmond était un frère mais le lien était désormais rompu, détruit alors qu’il n’était pas censé l’être. Ils étaient désormais meilleurs ennemis et se battaient l’un contre l’autre. Même combat, différente voie.

- Déçu de me voir, Jason ?

Sourire. Toujours ce sourire affiché sur son visage. Jason Wyngarde s’en était fait une arme, une façade, un masque. Il était hors de question pour lui de montrer ses sentiments. Les rares fois où il l’avait fait, on l’avait trahi et il ne pensait pas à ses trois femmes. Jason était un provocateur. Ce sourire lui permettait aussi de montrer qu’il prenait tout à la légère. Il avait conscience de la gravité de l’événement passé mais, que pouvait-il y faire ? Les humains sont si prévisibles et si idiots. Ils se complaisent dans leur vie avec leurs égos surdimensionnés. L’attaque aérienne de la veille n’avait donc rien de surprenant. Jason était attristé cependant pour les Sélénites. Ils ne méritaient pas le mort. Ils ne méritaient pas qu’on les abatte salement. Il se demandait ce que Desmond pourrait répondre à cela. Ce serait intéressant de voir ce que les X-Men et les mutants de Charles Xavier aient à répondre à ça. Collaborer avec les humains ? Quand on voit ce que les Sélénites subissent lorsqu’ils le font, ça ne donne guère envie. Non, Jason était bien convaincu que les humains étaient idiots, n’apprenaient rien de leur passé et que les mutants doivent leur succéder dans l’histoire de l’évolution. C’est ce que Jason croyait. C’est que Magnéto disait. Toisant son ancien ami, il finit par dire quelques mots entre deux bouffées de cigarillo.

- Déçu ? Non, on ne peut pas dire que je suis déçu. Je m’attendais à te voir débarquer ici, sans l’ombre d’un doute…

Charles Xavier avait dû expressément leur demander d’aller porter secours aux survivants. De leur côté, la Confrérie complotait. Le contexte de guerre était avantageux pour eux. Magnéto avait des contacts Sélénites mutants semble-t-il. Quelque chose se préparait et Jason se tenait prêt malgré sa méfiance envers ce peuple. Il était connu que les mutants ne soient pas très bien vus sur Luna. Il était alors inconcevable pour eux d’aller vivre là-bas. Quitter des humains intolérants pour trouver des Sélénites intolérants, ça n’avait aucun sens.

- Comment fais-tu pour sourire, Jason ? La situation ne te fait rien ? Tu n'as pas peur de perdre qui que ce soit dans ce merdier ?

Cela le fit se redresser et il se tenait à quelques mètres de Desmond. Peur ? Bien sur que si, l’illusionniste avait peur mais il ne le montrait. Il ne devait pas le montrer. La montrer reviendrait à dévoiler sa faiblesse. Les peurs, il les refoulait. Aucun sentiment ne se percevait sur le visage de Jason mais son état psychologique était un désastre. Cette guerre allait leur prendre tout ce qu’ils avaient de plus chers. Ils n’en étaient pas encore conscients mais d’ici quelques jours, la Terre et la Lune ne seraient plus. Cela se ressentait dans les tensions plus que palpables entre les deux peuples. La guerre était violente. Non. Jason n’allait pas montrer sa peur. Jason n’allait pas pleurer. Jason n’allait pas laisser sa colère le guider. Il allait rester de marbre, suivre le plan, suivre les ordres, se préparer au pire dans l’ombre et dans le silence.

- Bien sûr que si, ça me fait quelque chose… Je ne suis pas insensible à ce point. Mais, je n’ai pas le temps de m’attarder sur mes potentielles peurs ou ma colère. Les choses vont s’accélérer maintenant, Desmond. L’issue catastrophique de cette guerre est désormais inévitable… Les humains… Les Sélénites…

Il ne finit pas sa phrase tellement cela lui semblait absurde. Ces deux peuples étaient finalement pareils. Assoiffé de pouvoir. Assoiffé de connaissance. Assoiffé de conquête. Assoiffé de contrôle. Intolérant envers les mutants. Intolérant entre eux-mêmes. Ils se faisaient la guerre alors qu’ils pourraient s’entraider, travailler ensemble, vivre ensemble, prospérer et vivre en paix. Jason avait perdu espoir en l’humanité et n’avait guère d’estime pour le peuple de la Lune. Malgré tout ce « merdier », il gardait le sourire car cela voulait dire qu’il se montrait fort, prêt à affronter ce que le destin pourrait lui réserver demain.

Le 8 avril 2005 était une journée ordinaire pour Jason Wyngarde. Magneto l’avait envoyé en mission. Il était sous couverture depuis maintenant trois semaines. La surveillance n’était pas une partie de plaisir mais la personne visée était importante pour Erik. Jason n’était pas du genre à poser des questions. Il s’exécutait aveuglément, complètement loyal et dévoué à la cause mutante que défendait corps et âme la Confrérie des Mutants. Il était, ce jour-là, comme la plupart des gens, devant la télévision, regardant les informations. Lorsque tout s’interrompit. Il entendit au loin une énorme explosion. Il se leva d’un bond, prit son grand manteau et sortit dehors. Levant les yeux vers le ciel, il vit alors quelque chose retomber au sol. Un vaisseau avait dû être abattu. Jason ne mit pas longtemps à apprendre qu’il s’agissait de navettes Sélénites en partance pour Luna qui avaient été abattues par des terriens. La guerre faisait déjà rage depuis un an maintenant entre la Terre et la Lune et avec ce nouveau rebondissement, elle n’était pas près de finir. Jason n’avait rien contre les Sélénites, la Confrérie non plus. Ils avaient également des habitants mutants qu’ils bridaient. Magneto aurait bien voulu envoyer un des siens sur Luna pour enquêter, pour aider les mutants. Il n’en avait pas eu l’occasion. Choqué par ce qu’il venait de voir, il en oublia sa mission et songea pendant un court instant d’aller voir s’il y avait des rescapés sur les lieux.

Le lendemain, Jason se situa non loin de l’endroit du drame. C’était poussiéreux, le feu de certaines navettes n’étaient pas encore éteints. Cette scène était horrible et Jason préféra rester en retrait. La scène faisait penser à une fin du monde et c’est ce qui était en train d’arriver. L’illusionniste se le disait constamment depuis le début de la guerre. La fin de la Terre n’aura jamais été aussi prévisible. Cela dépasse totalement le simple combat entre humains ou entre humains et mutants. Là, il s’agissait d’une guerre sans précédent entre la Terre et la Lune, deux peuples que tout oppose et qui sont pourtant si complémentaires. Allumant un de ses cigarillos préférés, Jason marcha loin de cette scène horrible en direction d’un banc situé quelques mètres plus loin. La poussière l’aveuglait quelque peu. Il était difficile de voir à plus de trois mètres, ce qui était déjà suffisant pour Jason. Oubliant le banc vers lequel il se dirigeait, il décida de s’avancer de quelques mètres. Il voulait une meilleure vue. Et il ne fut pas déçu. Quelques minutes plus tard, il se retrouvait devant une personne qu’il n’aurait jamais pensé trouver là, une personne qu’il n’avait pas envie de trouver là.

- Jason.

- Desmond.

Desmond Lorod, son ancien meilleur ami, son frère de cœur. Cela devait faire quelque temps qu’ils ne s’étaient pas croisés. Aucun des deux ne bougèrent. Jason le toisait tandis qu’il prenait une autre bouffée de son cigarillo. Un petit sourire en coin, il se demandait bien ce que pouvait faire le mutant ici, loin de l’Institut Xavier. Cela était facilement devinable. Connaissant Charles Xavier, il avait dû envoyer quelques membres de son équipe voir s’il y avait des rescapés ou des choses à sauver. Malheureusement, vu le carnage, il s’agissait d’une mission perdue d’avance. Le silence s’installa entre les deux hommes. Jason se souvint alors du temps de l’insouciance et de l’amitié. C’était il y a des années, bien avant les X-Men, bien avant la Confrérie, bien avant tout ce beau bordel. Il n’y avait que Jason et Desmond, deux hommes perdus rattachés à l’autre, fidèle et loyal à l’autre. C’était il y a si longtemps, ils en avaient fait du chemin depuis. Malgré tout ce qui les séparait, Jason repensait encore à l’époque où ils étaient dans le même camp… le leur. Revenant à la réalité, au présent, Jason toisait toujours son ami. C’était devenu un truc entre eux, à chaque fois qu’ils se revoyaient. C’était à celui qui allait oser briser le silence en premier. Pendant ces longues minutes, Jason se demandait si son ami allait encore une fois lui servir le discours moralisateur que Desmond lui servait à chaque fois. Il n’y avait qu’un moyen de le savoir.

- Tu es la dernière personne que je m’attendais à voir ici, Des…